En direct des quais. Le chantier Hénaff a changé de capitaine. Pauline Hénaff-Jézéquellou, 27 ans, fille de Jacques, en a pris la barre. Elle poursuit une saga familiale de 91 ans.
C’est une belle histoire que celle de la famille Hénaff commencée avec « Jakes », charpentier de marine en 1928, l’arrière-grand-père de Pauline. Jakes était originaire de Tréguennec. Il fit alors le choix du Guilvinec pour construire des pinasses sardinières motorisées. Ce fut une réelle révolution qui est venue réformer les chaloupes à voile.
Et c’est rue Frelaud, en plein centre-ville actuel, qu’il a choisi de s’installer. Les mises à l’eau d’alors s’effectuaient à Tal-ar-Groas, en accès direct. L’atelier étant trop exigu, en 1936 le jeune chef d’entreprise fit construire un hangar en bois, pour abriter les machines et outils, tandis que la construction des navires se réalisait sur la grève, à deux pas de l’Abri du marin.
Du bois à l’acier
De Jakez, à son fils Ernest, père de Jacques Hénaff, lui-même père de Pauline, l’amour du bois pour la construction de navires qu’ils soient voués à la pêche ou à la plaisance, s’ancre : de 1936 à 1975, à la suite de la commande d’un plaisancier exigeant un tableau arrière pointu, tous les bateaux Hénaff affichaient cette image, marque de fabrique. L’ Oxalis , construit en 1961, toujours d’attaque, en témoigne.
Après le décès de Jakes, en 1940, sa femme, Anne-Marie, et Ernest, leur fils, reprennent l’activité. En 1949, ils firent construire un chantier totalement couvert sur le site actuel, avec des mises à l’eau à immédiate proximité, sur ber suiffé, les jours de grandes marées.
En 1977, Jacques prendra le relais d’Ernest. Il a 25 ans. En 1981, un nouveau hangar charpente acier est érigé, tandis que la construction navale s’oriente vers l’acier aux dépens du bois. Les mises à l’eau vont être assurées avec chariot et grues.
L’aide de la plaisance
De 1981 à 1988, pas moins de douze bateaux neufs sortiront du chantier avant que le Plan Mellick ( du nom du ministre délégué chargé de la Mer, du gouvernement Rocard, qui visait à réduire la capacité de pêche de la flotte française, N.D.L.R. ), en 1991, grippe l’essor de la flottille guilviniste notamment. Cela vaudra une adaptation nécessaire pour Jacques Hénaff qui s’orientera sur la plaisance : de la restauration fine, du neuf, dont des canots à voile et avirons, à voile et avirons, les yoles des Bantry et celles de l’Odet et le bel Ilur réalisés sur les plans de François Vivier. « Dans le creux, la plaisance nous a beaucoup aidés. On sait faire », commente Jacques. De 2005 à 2019, quatre nouveaux bateaux neufs seront lancés, dont Stellach II tout récemment.
Pauline a rejoint son père en septembre 2018, avec prise effective de fonction de direction en novembre. Un départ passionnant avec la construction du Stellach II, pendant lequel Jacques est resté en soutien.
« La reprise s’imposait »
La retraite, oui, mais sans partir très loin, laissant les commandes à sa fille qui, après des études de gestion et de commerce, adossées à une expérience professionnelle maritime significative, vient de lui succéder. « Une formation en alternance, au plus près du terrain et la nécessité absolue de ne pas laisser tomber des clients fidèles. La reprise s’imposait » , commente la jeune femme.
Son père désormais à la retraite, ainsi que deux charpentiers chevronnés (Jean-Michel Crédou, en décembre 2017 et Michel Coïc, en avril 2018), Éric Dorval, mémoire de l’entreprise, est devenu chef d’atelier. Cinq charpentiers d’expérience ont été recrutés, auxquels s’ajoute un jeune issu des Ateliers de l’Enfer. Dans l’immédiat, pas de construction neuve mais la refonte du Kervily II. Et toujours la plaisance.
Source : Ouest France